LA PAZ
On est donc en route pour la surprenante ville de La Paz qui, contrairement à ce qu'on pensait avant de venir, n'est pas la capitale de la Bolivie (merci Hugo). On fait la route avec Hugo et Aurélie rencontrés la veille sur l'Isla del Sol. On se trouve un logement bien placé dans le centre ville, au cœur du marché aux sorcières ! Si, si ça existe encore ici.
La Paz est une ville qui ne laisse pas indifférent. C'est une grande ville qui dépayse contrairement à Lima ou encore Sucre (la capitale de la Bolivie pour le coup). Ici on retrouve des mamitas en costume traditionnel à tous les coins de rues, des stands ambulants et des marchés locaux. On n’a pas vu un seul supermarché pour cette ville d’un million d'habitants. La ville est une cuvette où les "riches" vivent en bas (3800 mètres) et les "pauvres" en haut (4100 mètres). Plusieurs téléphériques assurent la liaison entre le bas et le haut. On a passé deux jours, tous les 4, à flâner dans la ville en prenant le temps d'observer ses habitants. On a apprécié les saltenas, petits chaussons de pâte fourrés de viande et les petits dèj gargantuesques au café del Mundo.
Notre projet avec Julie c'était de filer en Amazonie via la ville de Rurrenabaque. C'était sans compter notre rencontre avec Hugo et Aurélie. En effet, ces deux jeunes aventuriers nous proposent un tout autre plan. "Et si on se tentait un petit 6000 mètres tous les quatre ?!" L'idée m'a rapidement convaincu. Julie était quant à elle plus hésitante. On décide de faire le tour des agences pour tâter le terrain. On voit rapidement une montagne qui a le profil pour répondre à nos attentes: Le Huayna Potosi, 6088 mètres. Reconnu pour être un des 6000m les plus accessibles sur terre puisqu'il possède peu de passages techniques (un seul en réalité). Malgré ça c'est quand même un gros morceau qui se monte en cordée avec crampons et piolets. On se laisse l'après midi de réflexion mais on se dit rapidement qu'après notre passage en Amazonie, ce genre d'ascension sera impossible. Le grand secret c'est une bonne acclimatation et ça fait trois semaines qu'on est à plus de 3200 mètres. L'occasion ne se représentera peut être plus. Hop on signe et on réserve notre ascension en 3 jours ; 5 minutes après la signature on se demande déjà dans quoi Hugo et Aurélie nous ont embarqués. Et ce n’est pas les vidéos ou récits de blogs qui nous ont rassurés. En moyenne 40% des gens qui entament l'ascension, abandonnent avant le sommet... Taper "Huayna Potosi" sur Youtube, ça fait flipper !
En rentrant à l'hôtel on a une super surprise, nos amis Hollandais Lisette et Gisen ont pris une chambre juste à coté des nôtres. On est super content de se retrouver et on file au resto fêter ça. On leur raconte que demain on part pour un 6000 mètres. On espère les revoir à notre retour avec un succès à la clef.
HUAYNA POTOSI
Jour 1
C'est parti pour une expérience qui marquera sûrement notre voyage et même nos vies qui sait. On fait la rencontre d'une allemande qui sera la cinquième du groupe à tenter l'ascension. On découvre aussi nos guides qui auront une importance non négligeable durant l'ascension. Après avoir testé notre équipement, on file au premier refuge à 4800 mètres. On déjeune et on part pour une balade d'1h30 jusqu'à une zone de glaciers pour nous familiariser avec nos crampons et nos piolets. On fait des exercices assez techniques qu'on n'aura pas à utiliser le jour de l'ascension proprement dite. C'est vraiment fun, on finit même avec une escalade verticale. De bonnes sensations ! On rentre au refuge et on se couche vers 20h.
Jour 2
Après quasiment 12h de sommeil et un petit déjeuner de compet', on monte au deuxième refuge à 5130 mètres. C'est d'ici qu'on partira à 1h du matin pour tenter les 6000 mètres. Nos sacs sont lourds, chacun doit porter ses chaussures d'alpinisme, ses crampons, guêtres, piolets, baudrier etc... On a toute la journée techniquement pour monter au refuge, on prend donc notre temps et ça se passe plutôt bien. Aucun signe de mal d'altitude pour le moment, c'est déjà un bon point. Pendant la montée au refuge, on croise des caméras de France TV sport. Surpris, on parle avec l'équipe de tournage qui nous explique qu'ils sont là pour tourner des images du coin en vue du Dakar 2018 qui commence début janvier au Pérou. Avec chaque grande étape, ils font des minis reportages de choses à faire dans les différentes régions. Ils profitent de l'occasion pour tourner des images de nous et nous interviewer sur notre ascension. L'ambiance était très bon enfant, on espère ne pas avoir dit trop de bêtises. On verra tout ça autour du 11 janvier sur France 4 ! On essaye de s'occuper comme on peut durant l'après midi. On a le sommet en ligne de mire. C'est assez impressionnant de se dire qu'on est déjà au dessus du niveau du Mont Blanc et que l'on voit un géant en face de nous. Les paysages autour du refuge sont vraiment impressionnants. 19h tout le monde file se coucher. On ne parle pas beaucoup, chacun pense à son ascension du lendemain.
Jour 3
00h30, le réveil sonne. On prend le temps de petit déjeuner. On fait le plein d'énergie pour les heures à venir mais surtout de maté de coca pour parer l'altitude. On s'équipe chacun de son côté, dans le silence encore une fois...
À 1h30 on chausse les crampons et c'est parti. On se sent bien, on a réussi à dormir quelques heures et on n'a aucun symptôme du mal d'altitude. On se dit que c'est déjà un orteil derrière la ligne d'arrivée. Marcher avec des crampons c'est vraiment particulier. On a l'impression de faire des petits pas. Un peu comme marcher pour monter une dune de sable sec. Il fait totalement noir. Seule la lune et nos frontales nous donnent un peu de lumière. On avance en regardant nos pieds, un pas derrière l'autre sans vraiment se parler. Victor notre guide mène la marche suivi de Julie. Je ferme la cordée. C'est vraiment top de pouvoir n’être que deux avec un guide. On ne pénalise pas les autres groupes si jamais nos rythmes sont différents.
Au bout d'1h30, Hugo, Aurélie, Julie et moi distançons l'Allemande et son guide. On apprendra par la suite qu'elle abandonnera vers 3h du matin, pas vraiment encouragée par son guide. On avance tous les 4 au même rythme. On fait nos pauses ensemble et on repart ensemble ! On s'étonne de se sentir assez bien. Ce n'est pas une partie de rigolade non plus mais en faisant des pauses pour boire un coup, grignoter et reprendre son souffle, on ne s'imagine pas ne pas gravir le sommet. On arrive au passage technique vers 5700 mètres. C'est à cet endroit précis que pas mal de gens abandonnent. L'ascension est raide, les piolets sont indispensables mais on arrive à passer l'obstacle.
Depuis ce passage, on a le souffle plus court, on ressent vraiment les effets de l'altitude. On doit être à 5800 mètres. Les efforts fournis sur le mur ont marqué les organismes. On multiplie les pauses, de plus en plus rapprochées. On voit au loin la ville de La Paz qui scintille encore endormie à mille lieux de se douter qu'à une centaine de kilomètres, 4 français commencent à souffrir dans le froid. On voit les couleurs du ciel qui commencent à changer. On peut maintenant éteindre nos frontales. Chaque pas devient difficile. Chacun sa technique, moi je fredonne dans ma tête, je pense aux gens que j'aime. On essaye surtout de ne pas regarder le sommet qui nous paraît encore assez loin. Julie commence à me dire qu'elle n’y arrivera pas, qu'elle n’en peut plus. On est si proche du but mais en même temps si loin. Je la remotive et on continue d'avancer. Un peu plus loin elle dit à Victor qu'elle est vraiment fatiguée. Celui-ci a le bon réflexe de lui dire qu'on ferait une bonne pause un peu plus loin. En parallèle, le soleil commence à se lever tout doucement. Petit à petit, en promettant des pauses dans un lieu toujours un peu plus loin on finit par grimper sur la dernière corniche. Hugo et Aurélie sont juste devant. C'est assez dur pour eux aussi mais ils avancent. Julie est au bout de ses forces, l'altitude lui donne des nausées, elle ne veut plus avancer. Victor nous annonce qu'on est à plus de 6000 mètres. C'est déjà une première victoire. Je ne suis vraiment pas au top de ma forme non plus mais ce n'est pas envisageable pour moi de ne pas monter jusqu'au sommet. J'essaye de motiver Julie, elle n'a pas envie de me pénaliser, on est tous les deux sur nos réserves, un peu en larmes à contempler le spectacle HALLUCINANT qui se passe devant nous. On est si haut qu'on voit extrêmement loin (la jungle, le lac Titicaca, la Paz) le soleil se lève sur un tapis de nuages. Grandiose ! Victor propose de détacher Julie et de m'amener jusqu'en haut (photo à droite de l'endroit où Julie s'est arrêtée, on aperçoit le sommet en haut, elle était vraiment pas loin). On ne doit pas traîner car une fois le soleil haut, la glace de la corniche devient de la neige et le sol instable. Je croise Hugo et Aurélie qui commencent à redescendre. 50 mètres après avoir laissé Julie, j'arrive au sommet, je craque, tout se mélange. Fierté de l'avoir fait, déception d'être seul pour profiter du moment, je reste un moment assis à me remettre de mes émotions face à ce spectacle. J'ai l'impression d'être sur le toit du monde.
On doit entamer la descente. On a déjà les muscles qui nous brûlent mais il faut redescendre jusqu'au deuxième refuge. On se dit qu'heureusement l'ascension se fait de nuit et qu'on n'a pas le sommet en visu car ça serait encore plus dur mentalement. On arrive en début de matinée. Tout juste le temps de prendre une soupe on se recharge de nos gros sacs pour redescendre au premier refuge où une voiture nous attend. On arrive sur La Paz exténué pensant être déposé pas loin de l'hôtel. C'était sans compter sur la journée annuelle "piétons" où aucune voiture ne circule dans la ville. On est donc déposé à 5kms de notre hôtel (VDM). Je vous laisse imaginer la sensation de s'allonger sur un lit en arrivant.
On remercie vraiment Hugo et Aurélie de nous avoir entraînés dans cette expérience dont on se souviendra longtemps. Ca n’a vraiment pas été facile sur la fin mais on a tous les deux grimpé à plus de 6000 mètres. Je suis super fier de Julie car ce n'est pas donné à tout le monde. Prochain objectif 6500 ???! Dans quelques années peut être. En attendant on file en Amazonie au niveau 0 histoire de retrouver du souffle et de la chaleur.